Sohag, sauveteur volontaire

Hier soir, en rentrant de Bogra, je lis dans The Daily Star, le journal anglophone de Dhaka un article sur les sauveteurs du Rana Plaza. Nous pensons avec Bruno qu’il serait bien d’en rencontrer un. Nous en parlons à Shumon, notre fixeur. Il appelle Shathi, la jeune fille que nous avons rencontrée hier, elle lui communique les coordonnées de son sauveteur. Par chance, il est à Dhaka, pas loin de notre hôtel. Il peut nous voir dans l’heure qui vient. Il s’appelle Sohag, il a 24 ans, il est étudiant en polytechnique et, comme beaucoup de Bangladais, sauveteur volontaire, car comme il dit lui-même, il y a beaucoup de désastres au Bangladesh. Le 24 avril 2013, il a d’abord vu les images à la télévision avant d’être appelé pour aller sur les décombres du Rana Plaza afin de secourir les victimes. Il va sauver la jeune Shathi, comme elle nous l’a racontée la veille. Il nous raconte sa version des faits qui corrobore celle de la jeune femme, mais aussi la difficulté extrême d’exercer cette tâche. Il nous parle aussi d’une vieille dame qui l’appelle alors que, épuisé après 10 heures passées à secourir les gens, il s’apprêtait à sortir des décombres pour se reposer un peu. Cette vieille dame a une jambe écrasée par un pilier, elle lui demande de la sortir de là, d’amputer sa jambe s’il le faut. Sohag lui dit qu’il va chercher un médecin, elle ne veut pas qu’il parte, ça fait plus de 13h qu’elle est bloquée sous les décombres, personne ne s’est encore occupé d’elle. Un autre sauveteur reste à ses côtés pendant que Sohag va voir un médecin, mais celui-ci, complètement débordé par des cas plus graves encore, ne peut rien faire. Il propose alors à Sohag d’amputer lui-même la jambe de la vieille dame s’il accepte. Sohag accepte. Le médecin lui donne les instruments et lui montre comment faire. Il retourne auprès de la vieille dame et au moment de commencer à l’amputer, un militaire lui demande d’attendre, il a le matériel nécessaire pour dégager la jambe. La vieille dame et sa jambe sont sauvées. Sohag va rester trois jours au Rana Plaza, dans la poussière, la chaleur, une odeur insupportable, à secourir les gens.